La problématique trinitaire de Martines de Pasqually
Il n’est pas possible d’étudier et commenter le caractère judéo-chrétien du martinésisme sans analyser son positionnement au regard de l’un des articles de foi fondateur de l’Église chrétienne, à savoir le dogme de la Trinité qui, à lui seul, et dans ses développements « économiques », caractérise la foi de l’Église chrétienne. Nous entendons par Église chrétienne l’ensemble des confessions chrétiennes réunies et approuvant une même et unique profession de foi.
Mais quelle profession de foi ? Nous remonterons pour cela à celle formulée avant tout schisme par l’ensemble des églises réunies en concile. Nous nous appuierons alors sur le symbole de la foi rédigé à l’issue du concile de Constantinople I et plus particulièrement sur ses affirmations intéressant notre étude :
Nous croyons en un seul Dieu Père tout-puissant, Créateur du ciel et de la terre, de toutes les choses visibles et invisibles. Et en un seul Seigneur Jésus-Christ, Fils unique de Dieu, né du Père avant tous les siècles, lumière de lumière, vrai Dieu de vrai Dieu ; engendré et non créé, consubstantiel au Père, par qui tout a été fait ; qui pour nous hommes et pour notre salut est descendu des cieux, s’est incarné par le Saint-Esprit, de la Vierge Marie et s’est fait homme (…) Nous croyons au Saint-Esprit, Seigneur et vivifiant, qui procède du Père, doit être adoré et glorifié avec le Père et le Fils, qui a parlé par les saints prophètes.
Retenons de ce symbole les positions ontologiques suivantes :
- L’unicité de Dieu qui est dit Père ;
- La véritable divinité de Jésus-Christ, Fils unique de Dieu, lumière de lumière, né avant tous les siècles ;
- Jésus-Christ engendré et non fait, consubstantiel au Père ;
- La divinité du Saint-Esprit, qualifié de Seigneur et qui procède du Père.
Nous en déduisons le dogme de Foi suivant : l’unicité de Dieu en trois Personnes divines – nous dirons hypostases – qui sont le Père, le Fils et le Saint-Esprit, toutes consubstantielles, c’est-à-dire de même substance ou essence divine, ce que nous appelons l’ὁμοούσιος (homoousios).
C’est ainsi que l’Église des premiers siècles définit le dogme de la Sainte et Divine Trinité, dogme fondamental du christianisme. Dans ce Symbole de foi, l’Église professe de même l’action de cette Sainte Trinité de la façon suivante :
- Un Père Créateur du ciel et de la terre, de toutes choses visibles et invisibles ;
- Un Fils, Jésus-Christ, par qui tout a été fait, qui est descendu des cieux pour le salut des hommes et s’est incarné par le Saint-Esprit ;
- Un Saint-Esprit qui vivifie, c’est-à-dire donne la vie spirituelle, et a parlé par les prophètes.
Elle définit ainsi l’économie de la Sainte Trinité dans la création, la réconciliation, la prophétie et le salut, avant et pendant le ministère du Christ. C’est l’économie sotériologique.
Nous examinerons alors la régularité, ou orthodoxie, de la doctrine martinésienne vis-à-vis de la foi chrétienne, sous ces deux mêmes aspects ontologique et économique. Nous nous appuierons pour cela sur les deux versions du Traité de Martines, sur les Leçons aux Élus Coëns du temple de Lyon ainsi que sur divers autres textes de Louis-Claude de Saint-Martin et Jean-Baptiste Willermoz.