Anéantissement de la matière et corps glorieux
« L'homme s'est cru mortel parce qu'il a trouvé quelque chose de mortel en lui.» [1]
Nous pourrions transposer à la chair cette pensée du philosophe inconnu Louis-Claude de Saint-Martín. C'est parce que certains ont vu l'anéantissement de la matière apparente des corps, qu'ils ont cru a l'anéantissement de la chair. Comme si la matière apparente était l'essence de la chair, sa substance, alors qu'elle ne détermine que la qualité que cette chair prend dans ce monde en se revêtant d'éléments matériels qui épousent sa forme et en transmuent ladite qualité originelle glorieuse et dont la gloire immortelle perdure malgré ces nouvelles apparences trompeuses. Malheureux ceux qui ont cru à la mortalité et à l’anéantissement de ce corps consécutivement à la chute. Car ce corps n’étant que l’expression de la pensée divine prenant forme par l’action du verbe divin de création émané dans l’homme et produisant les essences spirituelles qui sont sa vraie substance, comment une telle chair pourrait-elle être anéantie elle qui ne trient son existence que de la volonté du Créateur qui tire sa substance du verbe divin qui la constitue ?
C'est par une transmutation inverse, consécutive a l'anéantissement de la matière élémentaire qui se réintègrera dans les principes dont elle est issue, que cette gloire reprendra ses droits. Car a contrario de la matière glorieuse, cette matière apparente élémentaire ne doit sa constitution et son maintien que de l’action d’agents secondaires, ladite action devant être amenée à cesser dès que le Créateur en aura donné l’ordre. Dès lors de cet anéantissement, les corps recouvreront leur qualité première et la gloire qui la caractérise. Gloire qu'ils n'avaient jamais totalement perdue mais qui, comme le feu étouffé dans l'eau boueuse et ravivé par Néhémie, n'attend que l'action de l'Esprit pour se révéler du sein des corps qui la cachaient et l'enveloppaient dans une matière apparente qui leur est étrangère.
C’est ainsi que nous entendons la réintégration de la matière que notre regretté Robert Amadou exprimait en ces termes :
« La matière réintégrée cela signifie la matière anéantie puisque son principe étant le néant, sa réintégration ne peut se faire que dans le néant, c'est-à-dire qu'elle disparaîtra, sauf les formes transmuées.»[2]
[1] L’homme de Désir, §1
[2] Entretien avec Michel Cazenave, France-Culture, Les Vivants et les Dieux, 4 mars 2000