Une approche de la réintégration : image et ressemblance (1/5)
Les martinésistes, martinistes et maçons rectifiés s’appliquent, à juste titre, à l’étude de la doctrine de Martinès de Pasqually qui est celle de la réintégration. Ce mot est cependant souvent mal interprété, ou galvaudé. Il nous est alors apparu que, pour les martinésistes chrétiens que nous sommes, l’approfondissement de ce concept ne pouvait se faire qu’en se livrant à une approche des notions d’image et de ressemblance ainsi qu’à l’étude du mystère de la résurrection. En effet, nous sommes convaincus que là se trouvent les bases fondamentales à acquérir pour une compréhension profonde de la réintégration.
Ainsi nous partirons du commencement, de la création de l’homme considérant que si réintégration des êtres il y a dans leurs primitives propriétés, vertus et puissances spirituelles divines[1]il nous faut d’abord appréhender quelles furent ces dernières lors de la création de l’homme afin de nous déterminer par la suite sur la portée même de cette réintégration.
Portons alors notre regard vers les Ecritures. Que nous disent-elles de la création de l’homme ?
« Puis Dieu dit: «Faisons l'homme à notre image, à notre ressemblance! Qu'il domine sur les poissons de la mer, sur les oiseaux du ciel, sur le bétail, sur toute la terre et sur tous les reptiles qui rampent sur la terre.» Dieu créa l'homme à son image, il le créa à l'image de Dieu. Il les créa homme et femme. » (Gen 1, 26-27)
Par ces quelques phrases, le livre de la Genèse nous introduit dans un des plus profonds mystères divins. Cet évènement mystérieux et majeur pour le devenir de la création universelle est un objet de réflexion profonde et, oserais-je dire, ininterrompue pour tous les théologiens, philosophes et penseurs. Car cette réflexion nous conduit à considérer l’origine de l’homme, son état et sa nature originels et inéluctablement à les comparer à notre propre situation actuelle. Ceci est aussi l’objet de la réflexion et du travail de nombreuses sociétés initiatiques et constitue le point initial de toute la doctrine martinésiste.
« Faisons l'homme à notre image, à notre ressemblance ! ». Dans cette petite phrase nous devinons la Divine Trinité se concerter autour de la création de l’homme alors que Dieu fit le reste de la création par ordre. L’homme devait certainement avoir une place privilégiée dans cette création pour susciter une telle concertation, place unique qui le plaçait même au-dessus des anges dont la création n’est pas évoquée dans l’Ecriture. Mais au-delà de ce constat, regardons ce qui fait la première différence fondamentale entre l’homme et le reste de la création : l’homme est une création directe de Dieu qui en se concertant dans sa Sainte Trinité fait de l’homme une créature Trinitaire et donc à son image. Car Dieu ne peut créer directement une créature qui ne porte pas son image.
Et Martinès de Pasqually reprend cette même idée dans son Traité en écrivant de toute création :
« Il est appelé Créateur, parce que de rien il a tout créé, et que toute sa création provient de son imagination ; et c'est parce que sa création provient de son imagination pensante divine qu'elle est appelée image. » [2]
Ce qui est vrai de toute création divine l’est encore plus de l’homme qui est une création directe de Dieu, émanation divine nous dit Martinès. Ce que nous confirme J-B. Willermoz dans une instruction adressée au Temple Coën de Lyon :
« L'homme ou le mineur étant émané de lui [Dieu] et formé à son image et ressemblance, doit donc pareillement avoir en lui une infinité de vertus et de facultés spirituelles non égales à celles du Créateur, mais en similitudes.»[3]
Donc à son image mais en quoi ?
Pour répondre, laissons-nous guider par les Pères de l’Eglise et en particulier Grégoire de Nysse :
« La perfection de sa bonté [de Dieu] consiste à faire passer l’homme du non-être à l’être et à ne le priver d’aucun bien. La recension de ces bienfaits un à un serait longue : aussi n’est-il pas possible d’en parler en détail. L’Ecriture, les résumant d’un mot qui englobe tout, les a désignés de la sorte : « C’est à l’image de Dieu que l’homme a été fait. » ce qui équivaut à dire : il a rendu la nature humaine participante de tout bien. En effet, si la Divinité est la plénitude, de tout bien et si l’homme est à son image, est-ce que ce n’est pas dans cette plénitude que l’image aura sa ressemblance avec l’archétype ? Donc, en nous, sont toutes les sortes de biens, toute vertu, toute sagesse et tout ce que l’on peut penser de mieux. Un de ces biens consiste à être libre de tout déterminisme, à n’être soumis à aucun pouvoir physique, mais à avoir, dans ses décisions, une volonté indépendante. La vertu, en effet, est sans maître net spontanée ; tout ce qui se fait par contrainte ou violence n’en est pas. » [4]
Ainsi, l’homme est-il fait image car pourvu de tous biens, de tous pouvoirs et en particulier doté d’une volonté propre et d’une entière liberté. Idée qui est reprise par Martines de Pasqually dans son Traité de la Réintégration :
« Le Créateur ayant vu sa créature satisfaite de la vertu, force et puissance innées en elle, et par lesquelles elle pouvait agir à sa volonté, l'abandonna à son libre-arbitre, l'ayant émancipée d'une manière distincte de son immensité divine avec cette liberté, afin que sa créature eût la jouissance particulière et personnelle, présente et future, pour une éternité impassive, pourvu toutefois qu'elle se conduisît selon la volonté du Créateur. »
Mais cette similitude se borne-t-elle à la liberté de l’homme ? En quoi d'autre est-il image ? A–t-il de même acquis la ressemblance ?
(à suivre)