Un aspect pneumatologique des travaux martinésistes : le rituel de la bougie et du mot du centre (1/2)
Afin de s’assurer de la régularité et des résultats de leurs travaux et opérations, les Elus Coens veilleront à se présenter devant l’Eternel et ses anges le corps et l’âme purifiés. Le corps par les ablutions rituelles des mains et pieds ainsi que du visage ; l’âme par le feu. Mais quel feu ?
Le rituel de la bougie et du mot du centre du cercle d’opération nous donne de précieuses informations à ce sujet. En effet, l’opérant, agenouillé au bord du cercle intérieur dit :
« Ô lumière pure, symbole du chef de mon âme, à qui l’éternel a confié le soin de ma pensée, de ma volonté, de mon action et de ma parole, fais que par ton feu radieux, mon âme soit purgée et mes lèvres purifiées, afin que la parole que je vais prononcer opère pour la plus grande gloire de l’éternel, pour mon instruction, et pour l’édification de mes semblables. Amen. »[1]
Ici, la lumière du centre est appelée « symbole du chef de l’âme ». Mais qui est donc ce chef dont il est dit que l’Eternel lui confia le soin des pensées, volonté et action qui sont les attributs de l’âme, du mineur spirituel, et dont l’expression est celle de l’image divine qui est le propre de l’homme ?
Selon Martinès de Pasqually, et compte tenu de la chute, le mineur spirituel ne peut seul accéder aux lumières divines qui rendront sa pensée, sa volonté et son action opérantes et justes. Seul, le mineur ne peut plus opérer selon les pouvoirs et puissances qui étaient les siens originellement. Il doit tout espérer du secours de son gardien, dont la jonction se fera par l’intellect que celui-ci lui enverra et qu’il devra accepter librement. Cet intellect féconde et illumine sa pensée, fortifie sa volonté et guide son action. Chaque fois que le mineur acceptera cet intellect, il se joindra à son gardien jusqu’à ne faire plus qu’un avec lui :
« Lorsque l’âme et l’intellect sont joints et spiritualisés, ils se confondent avec l’esprit dont était émané l’intellect et tous trois ensemble se rejoignent à la Divinité, ayant rempli chacun leur fonction avec succès.»[2]
L’âme impassive et spirituelle se met ainsi en état de recevoir impression de son gardien et donc l’illumination qui est la récompense des esprits mineurs ayant de ce fait recouvré la communication avec leur créateur. Aussi peut-on dire que le gardien et son intellect sont le chef de cette âme humaine – mineur spirituel - dont Dieu leur confie le soin. Un chef qui donne aussi une puissance nouvelle d’action et d’opération à cette âme incorporisée et donc affaiblie par sa prison de matière. Martinès l’exprime en ces termes :
« L’âme est un feu, simple en sa puissance et faible en ce bas monde. Elle fortifie sa puissance par son intellect, recevant de lui un second feu plus pur et plus puissant que le sien »[3]
Ainsi, de même que la fortification, l’action de purification du mineur se fait-elle par cet esprit et l’intellect qui en est l’émanation. Par la purification des lèvres, organes de l’expression du verbe - qui est la manifestation de la pensée et de la volonté ainsi que la mise en action de cette pensée - se réalise la purification de l’âme. Et c’est alors que, l’âme ainsi purifiée, l’opérant pourra prononcer le mot du centre, mot de puissance qui est l’expression de ses pouvoirs désormais recouvrés.
Cette vision martinésiste de la purification, de la fortification et de l’illumination par la médiation de l’esprit – ou gardien – et de son intellect n’est-elle cependant pas trop restrictive pour un chrétien ? N’exclut-elle pas trop radicalement l’action directe de l’Esprit Saint ?
(à suivre)