Martinésisme et tradition astrologique - Les planètes (2/3)
Ayant vu les fonctions des planètes mineures, pour la formation et l’entretien des formes corporelles, et de Saturne en particulier, en relation avec ces premières, abordons maintenant les planètes majeures. L’instruction secrète se poursuit alors :
Par sa jonction avec les trois planètes majeures, qui sont la Lune, Mercure et le Soleil, et par sa correspondance surcéleste, Saturne est l'âme universelle de cet univers.
Des fonctions et attributs des planètes majeures
La Lune est traditionnellement assimilée à la formation et gestation des êtres procréés. La femme est assimilée à la Lune – autant qu’à Vénus – du fait de cette capacité. Son cycle naturel, se caractérise principalement en deux phases. Celle de croissance, de la Nouvelle Lune à la Pleine Lune, est alors assimilée à cette gestation. L’évolution de son apparence, et donc du rayonnement de ses attributs, implique une action modulée sur les corps, amenant ceux-ci à leur plein développement.
Mercure - qui n’est pas à confondre avec l’essence animale appelée mercure et dont nous avons parlé ci-avant – est le messager ailé. Il s’agite en tous lieux pour coordonner, réguler, innerver et accélérer. Il s’adapte à tout, se revêtant des attributs de tout ce qu’il touche. Sa course dans le ciel, rapide, dispersée et imprévisible lui donne la faculté de tout embrasser et de tout régir. En tant que centre régulateur et coordonnateur il régir les lois de corps et leur mouvement. Il est vie animée.
Enfin, le Soleil rayonne de tous ses feux de la lumière élémentaire. Celle-ci n’est que l’aspect visible d’une lumière incréée qui reste cachée derrière. Cette lumière incréée est la Vie, car « la Vie est la lumière des hommes »[1]. Cette lumière reçue par le Soleil est transformée par lui en lumière élémentaire qu’il irradie et qui devient source de toute vie animale
La Lune a donc un rapport certain avec tout ce qui est corporel et sensible, Mercure avec ce qui relève de la coordination des parties et le Soleil avec ce qui appartient à la vie et qui anime les corps.
La tradition nous enseigne aussi que Mercure préside aux connaissances pratiques et scientifiques, à leur apprentissage, à la communication, à l’ingéniosité, à la vivacité d’esprit et plus généralement aux facultés mentales actives. La Lune préside au psychique (les fameux états d’âmes instables), aux tempéraments changeants, à la sensibilité et à la réceptivité donc aux facultés mentales passives. Enfin, le Soleil est celui qui régit la force de caractère, le courage, l’ardeur, l’autorité naturelle, la confiance, les formes de caractère plus stables et élevées. Nous pouvons ainsi dire que ces trois astres majeurs ont des rapports certains avec l’âme psychique et mentale.
Des fonctions particulières de Saturne
Ce sont ces qualités qui sont transmises par Saturne selon les lois, vertus et puissances dévolues à chaque forme corporelle. C’est ainsi que Saturne doit aussi exercer sa monarchie sur les fonctions psychiques et mentales. Par sa jonction avec lesdites planètes, Saturne est l’âme animale et passive de cet univers.
Mais Saturne ne s’en tient pas là ! Par sa jonction avec le surcéleste - c’est à dire au monde invisible et aux vérités et lois supérieures et ineffables - elle ouvre à la connaissance ou, du moins, à l’appréhension du monde des incréés et des intelligences. Elle en donne une vision, une perception, une certaine intelligence sans pour autant permettre de communiquer avec les êtres qui le peuplent. En cela, Saturne est l’âme impassive de cet univers c'est-à-dire son esprit car ces vérités ne se raisonnent pas. Saturne agit donc sur les sens spirituels de l’homme qui permettent de percevoir ces choses.
L’instruction attribue donc une nouvelle fonction à Saturne. En tant qu’âme universelle de l’univers elle en fait appliquer les lois d’action et de mouvement reçues des êtres spirituels du surcéleste. Saturne commande donc aux révolutions des astres et des corps qui peuplent cet univers et en déclenche et coordonne la fin. Mais elle influe aussi sur la sensibilité et l’intelligence spirituelle.
Il [Saturne] renferme trois puissances actives, qu'il emploie sur ses trois correspondances, ou cercles, qui sont le mineur ou le terrestre, le majeur ou le céleste, et le supérieur ou surcéleste. Il préside aussi aux principaux corps lumineux en détachant ses influences actives supérieures et puissantes, dont l'activité est fougueuse et confuse, comme l'on peut s'en apercevoir personnellement.
Des puissances actives de Saturne sur les deux luminaires
Quelles sont donc les trois puissances actives employées dans ses différentes correspondances ? Martines n’en dit rien et nous pouvons penser que ces puissances lui permettent simplement d’agir dans les trois cercles mentionnés. Nous avons vu son action avec le mineur-terrestre et le céleste (au travers des planètes mineures). Nous avons aussi vu sa correspondance avec le surcéleste qui lui permet, dans un sens de recevoir les lois d’action des corps, et dans un autre, en tant que médiateur, de mettre les formes crées susceptibles de concevoir les vérités et lois du surcéleste en libérant leur esprit.
L’instruction ne donne pas d’indication relativement aux fonctions du Soleil, de la Lune et de Mercure qui sont les trois planètes majeures. Il qualifie simplement les deux premiers de corps lumineux, la Lune reflétant la nuit la lumière du Soleil. Il est surprenant de lire que Saturne détache sur eux « ses influences actives supérieures et puissantes, dont l’activité est fougueuse et confuse ». Ainsi, la lumière des astres luminaires proviendrait en quelque sorte de Saturne ? Cela reviendrait-il à dire que la lumière incréée - lumière glorieuse d’origine divine, qui emplit tout et se répand sur tout, qui est nécessaire à toute végétation, et qui se manifeste physiquement aux êtres créés au travers de la lumière élémentaire projetée par les luminaires - que cette lumière initiale serait transmise auxdits luminaires par Saturne ? Ceci n’est pas très clair. Mais on pourrait comprendre que le Soleil est un transformateur de cette lumière incréée en lumière élémentaire. Ainsi, Saturne présiderait à la transmission de la lumière incréée, transmutée par le Soleil en lumière élémentaire, sans pour autant être lumière ni transmetteur direct d’une quelconque lumière.
L’activité de Saturne est dite fougueuse dans la mesure où la lumière du Soleil est feu ; elle chauffe et cette chaleur radicale peut brûler. Cette activité est confuse dans les révolutions et les différents aspects que prend la Lune et du fait de son humide radical qui rend les choses changeantes, malléables et adaptables. Quant à Mercure, Martines n'en dit rien. Mais, l’astrologie traditionnelle nous enseigne qu’il est chaud avec les planètes chaudes, humide avec les humides, qu’il épouse les qualités des planètes avec lesquelles il est en conjonction directe ou par domification. Il porte en les amplifiant ces qualités et les répand sur tout ce qu’il touche. En d’autres mots, il est un caméléon transmetteur autant qu’amplificateur dans son mouvement désordonné.
Puis l’instruction poursuit :
Elle [l’activité fougueuse et instable] est parfaitement désignée par les révolutions considérables qui ont lieu dans les régions aériennes, ce qui n'arrive pas lorsque Saturne préside par sa correspondance ordinaire et à sa place d'ordre, qui est entre le cercle majeur céleste et le supérieur surcéleste.
Ainsi, quand l’action de Saturne est orientée vers les luminaires et les planètes mineures, elle est animale passive et donc instable ; dès qu’elle est orientée vers le surcéleste elle est spirituelle et relève de l’âme impassive ; elle est donc stable.
Saturne et la tradition astrologique
Tout ce qui est enseigné sur Saturne peut surprendre concernant une planète traditionnellement qualifiée de froide, sèche, maléfique, ralentissant et empêchant, isolant et enfermant ! Mais, c’est aussi une planète diurne, active, la plus éloignée de la terre[2] et faisant la limite entre notre monde et le monde invisible, porte d’accès et ouverture à ce dernier. C’est ainsi qu’elle transmet, comme un fluide impalpable, l’intelligence de l’univers aux deux luminaires portant les qualités de chaleur et d’humidité radicales et qui président à tout. Il est d’ailleurs intéressant de noter que l’astrologie traditionnelle place les deux domiciles zodiacaux de cette planète, le Capricorne et le Verseau, en vis-à-vis de ceux des deux luminaires, le Lion pour le Soleil et le Cancer pour la Lune[3]. Elle définit ainsi comme trône de la lumière les domiciles des luminaires - lumière du jour et de la nuit - et comme trône des ténèbres ceux de Saturne qui est la plus sombre des planètes. Cependant, ces ténèbres ne font que dissimuler à la vue un autre monde et une autre lumière.
Implications pour l’homme
Puis l’instruction continue :
C'est à cause de cela que, dans quelques opérations particulières, les sages placent la figure saturnaire, son caractère et son hiéroglyphe, entre le troisième cercle intérieur [limite du céleste avec les cercles terrestres, sensible et visuel] et le troisième cercle extérieur [les cercles spirituels mineurs, inférieurs et majeur, Saturne étant sur le cercle rationnel], les uns au-dessous des autres dans le midi, positivement en face du nord [pour présider aux actions des autres planètes par aspect direct].
L‘application aux opérations de théurgie de tout ce qui vient d’être expliqué est alors directe. Saturne, le grand médiateur, instructeur céleste des sages, gardien et portier des sphères supérieures se situe au point de jonction des différents cercles afin de pouvoir y exercer son rôle. Saturne ouvre à l’intelligence et à la connaissance des deux mondes. Dans sa position, à l’image de celle de son domicile zodiacal, elle influe sur les deux luminaires.
Puis, l’instruction se poursuit :
C'est aussi pour cela qu'il est dit que l'explosion du chaos se fit au sixième jour, au sixième instant, ou à la sixième pensée de Dieu. Ces pensées sont quelquefois figurées par six cercles parmi les sages, lorsqu'ils veulent opérer sur la connaissance des choses créées.
En effet, seules six planètes participent alors positivement à la création et formation des corps et y sont conjointement nécessaires. Il fallait donc que les principes propres à ces six planètes aient été divinement pensés afin que l’univers prenne naissance et forme à partir du chaos initial.
Enfin, appliquant ceci à l’homme, l’instruction ajoute :
Le corps de l'homme fut créé dans sa juste proportion de forme corporelle et dans sa perfection spirituelle, le sixième jour, au centre de sa couche figurée par six cercles, au centre desquels il était entre les trois mineurs terrestres et les trois majeurs célestes. On peut conclure de tout ce qui a été dit, que l'explosion du chaos n'a pu se faire qu'à l'instant que l'âme spirituelle divine a fait sa jonction avec les trois essences animales et les trois principales parties du corps [tête, torse, abdomen] qui contenaient ces essences.
Si l’homme corporel a bien été créé selon ce principe, en analogie à la création universelle, il paraît évident que tout ce qui a été dit s’applique à l’homme. Et que l’homme est bien un microcosme en image du macrocosme. Ceci implique donc que l’homme renferme en lui un ciel intérieur « contenant toutes les planètes », ou plus véritablement leurs principes, qui ont en lui les mêmes fonctions et qualités que celle qu’elles déploient dans l’univers crée qui est un grand tout. Nous reviendrons plus tard sur ce ciel interne. L’action saturnaire qui se développe en l’homme est alors exprimée par ces derniers mots :
Ces essences et ces trois parties forment le nombre de 6, joignons-y l'unité de vie active, l'âme [impassive et active] : nous trouvons le nombre 7, qui caractérise la vie spirituelle. L'âme est quelquefois appelée esprit d'essences animales, parce qu'elle est à leur égard ce que l'Esprit est réellement à l'âme spirituelle.
Il n’y a rien à rajouter pour témoigner de la supériorité de l’homme sur l’animal et ce qui fait de lui un être d’exception : son âme, l’esprit mineur qui est une émanation de son Créateur, est assimilable à la fonction saturnaire dans l’univers. Elle doit exprimer sa monarchie sur l’entièreté de la forme corporelle animale et animée comme Saturne exprime la sienne sur toutes les planètes. C’est la planète du septième jour, celui de la dédicace du sabbat. C’est donc l’esprit qui ouvre au monde surcéleste qui lui-même donne à l’homme un accès aux vérités divines. L’instruction conclut donc :
Il y a sept planètes principales connues dans l'univers. Ce sont sept corps particuliers et distincts qui agissent avec un ordre de correspondance exact et régulier tous ensemble. Chacun de ces sept corps est semblable au corps de l'homme, formé et substantié comme lui, mais par des aliments plus raréfiés quoiqu'aussi matériels. Il est animé comme l'homme par une puissance divine.
Bien que les planètes agissent en relation les unes des autres, certaines ayant un ascendant sur d’autres, il faut reconnaître que toutes possèdent une existence individuelle. Leur formation, leur qualité, leur mouvement et leurs actions réciproques sont gouvernés par les mêmes lois que celles qui ont présidé à la formation de l’univers. Et ces lois leurs sont attribuées par un esprit particulier qui les dirige et les gouverne.
[1] Jn. 1, 1
[2] Avant la découverte plus tardive de Pluton, Uranus et Neptune qualifiées de trans-saturnale et dont les attributs astrologiques n’ont pas la même étendue que ceux des sept planètes de la tradition.
[3] Ce vis-à-vis détermine pour l’astrologue les aspects bénéfiques et maléfiques selon l’ordonnancement des autres planètes dans leurs domiciles zodiacaux. Ces mêmes aspects déterminent alors les qualités lumineuses ou sombres des maisons. Il en est de même des lieux célestes d’exaltation, celui de Saturne en Balance s’opposant à ceux du Soleil et de la Lune, respectivement en Bélier et Taureau.