"Où es-tu ?"
Telle est la question que Dieu posa a Adam après sa prévarication qui le précipita consécutivement hors du Jardin d’Eden.
Aujourd’hui la question de beaucoup devient tout autre tout en restant très similaire « Où suis-je ? ».
En effet, nombre de nos contemporains ayant versé depuis leur jeunesse dans un matérialisme et un rationalisme total ; s’étant épuisés dans une course effrénée à la jouissance physique et émotionnelle par la possession, la domination et le mensonge ; ayant rejeté de leur système personnel toute valeur de respect ; ne voyant dans l’autre, par effet de leur égocentrisme, qu’une limitation à leur propre volonté ; ayant chassé Dieu de leur existence et pensant ainsi atteindre une gloire et une félicité certaines dans ce qu’ils appellent la « liberté totale », se retrouvent en fait dans un néant spirituel profond et aliénant les amenant finalement un jour à se questionner de la sorte avec parfois une certaine détresse.
Car tous les sages et les hommes initiés le savent : la matière ne conduit à rien d’autre qu’au vide de la matière et la félicité ne peut se gagner durablement par la vanité, et les seuls plaisirs et gloires illusoires et éphémères que donne ce monde. L’homme s’appuyant uniquement sur des valeurs matérielles, économiques et sociales, privilégiant le paraître à l’être, est bien loin d’assouvir son aspiration à la paix intérieure qu’il ne peut trouver que dans la relation avec Dieu et par l’exercice des vertus et de la bienfaisance qui relèvent de sa vraie nature.
Parce qu’il a reconnu un corps animal en lui, l’homme s’est tourné vers les formes matérielles ; parce qu’il s’est parfois laissé entièrement dominer par ses affections, son ego et sa sensualité, il s’est attaché aux choses sensibles et s’est voué à la recherche de la gloire de ce monde ainsi qu’aux émotions et plaisirs sensuels. Mais l’homme n’est ni mammifère ni pure psyché.
Son essence est tout d’abord spirituelle qui s’unissant inextricablement à une forme corporelle animée, compose la nature humaine. Aussi ayant erré au travers du rationalisme et du matérialisme absolu, qui ne l’auront amené que dans les abimes de leur néant intrinsèque, il finira inévitablement par se demander « Où suis-je ? ». Il ira alors ici ou là trouver une réponse qu’il acceptera, parfois à ses propres dépens, du premier venu qui l’embrigadera radicalement en feignant de lui donner quelques repères qui, du fait même de leur présentation, lui paraîtront pertinents et satisfaisants. Ainsi en est-il de certains jeunes perdus dans une vie dénuée de tout sens et laissés en proie au premier faux prophète qui les emmènera dans une quête dont ils leur donnera l’illusion qu’elle est sacrée et qu’elle fera d’eux des héros de la cause.
C’est ainsi que Satan, revêtu de toute la gloire dont il était susceptible, impressionna Adam et le faisant entrer dans une extase profonde lui donna l’illusion qu’il pouvait penser seul, discerner seul et enfin créer seul alors qu’il aurait dû continuer à agir en tout en coopération divine. Cette impression profonde que fit et fait encore Satan sur l’ego et la psyché de l’homme est la cause de la division et de la confusion et l’origine de tous les drames et abominations.
Mais si cet homme avait reconnu sa vraie nature, il aurait alors inévitablement demandé « Où es-tu ? ». Et cette fois-ci c’est l’homme qui aurait posé la question à son créateur, reconnaissant son erreur de jugement et l’impasse dans laquelle il se trouvait en poursuivant une chimère mortifère. Il aurait écouté son esprit demander la réunion à son principe et se morfondre de la séparation qu’il endurait dans cette fuite effrénée qui le coupait de toute spiritualité et de toute réalité. Il aurait ainsi, dans cette quête transcendante, rétabli sa grandeur et sa dignité initiales en répondant à son créateur. Enfin, se tournant vers l’Eternel, il aurait contemplé la vraie gloire et la véritable lumière. Ainsi il n’aurait été susceptible d’aucune impression des esprits maléfiques qui agitent ce monde. Il aurait trouvé dans cette tension vers le divin un asile de paix le protégeant de toute influence funeste et de tout dérèglement de son âme ainsi protégée de l’agitation des passions et des sentiments contraires face aux vicissitudes de ce monde.
Car la paix intérieure que l’on reçoit de ce mouvement vers Dieu est la seule à même de donner la réponse correcte à la fureur et à l’hostilité qui nous entourent. Et cette réponse s’exprime dans la foi, l’espérance et la charité par l’amour de l’autre et la bienfaisance.
Cette bienfaisance ne s’arrête pas aux œuvres caritatives mais elle doit surtout s’exercer envers tous les hommes en les aidant à retrouver leur vraie nature et leur chemin vers leur créateur. Il est de la responsabilité de chacun, et tout particulièrement des martinézistes dont la sensibilité aux combats célestes est toute particulière, de sa rapprocher de ces hommes perdus afin de les guider dans le vrai chemin de la vie. Chacun doit devenir un veilleur des âmes égarées devant amener chacune d’elle à se poser la seule et bonne question : « Où es-tu ? »
C’est là le premier et plus grand acte de bienfaisance et c’est certainement aussi le plus utile envers l’humanité en général et envers chaque homme en particulier car propre à lui donner la paix, l’espoir dans ce monde, et à en opérer la réhabilitation dans ses principes et pouvoirs primitifs.
La bienfaisance préserve de tout égarement et de toute confusion dont nous connaissons le principe maléfique qui ne tend qu’à diviser quand l’amour unit et qui ne trend qu’à agiter, angoisser et terroriser quand l’ancrage dans le divin apaise et donne force et discernement dans le combat spirituel et physique.
Là est aussi la réconciliation universelle.
Paix et amour à vous tous.